‘Captain America : First Avenger’ : Rendre le monde sûr pour le fascisme
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Je n’aime pas les tyrans. » C’est la réponse de Steve Rogers (qui deviendra bientôt Captain America) lorsqu’on lui demande pourquoi il veut tellement devenir soldat et se battre dans la deuxième guerre mondiale. Ce lieu commun, que l’on répète tout le long du film, sert à dénaturer l’analyse politique de toute une génération de la classe ouvrière mondiale. Pour des millions de travailleurs, la lutte contre le fascisme n’était pas simplement une question de lutte contre des tyrans comme Hitler et Mussolini. La classe ouvrière du monde entier s’est battu contre les Nazis parce qu’elle a compris aussi bien le danger posé par le fascisme que l’avenir pour les travailleurs qu’incarnait l’Union Soviétique. De bien des façons, cette dénaturation des motivations politiques dans ‘Captain America’ est tout aussi dangereuse que le racisme prôné par des films comme « 300 » (sorti en 2006) et ‘Transformers 2 : La revanche » (sorti en 2009). Cela, parce qu’elle embrouille l’histoire de notre classe et occulte notre capacité de comprendre et d’analyser des situations politiques complexes.
Captain America se bat aux côtés d’une escouade multiraciale et multinationale qui inclut un Nippo-américain et un soldat noir (le film « oublie » la politique ségrégationniste de l’Armée des E-U pendant la deuxième guerre mondiale). Où se trouve la présentation de leur compréhension du racisme, du capitalisme, de la guerre impérialiste ?
Aux E-U, les Nippo-américains subirent souvent des pressions pour s’engager dans l’Armée. C’était le seul moyen d’échapper aux camps d’internement ; la seule façon de démontrer qu’ils méritaient leur citoyenneté.
Les soldats noirs sont allés en guerre pour les deux V : Victoire sur le fascisme à l’étranger et victoire sur le racisme aux E-U. Leur lutte antiraciste avait pour origine une lutte pour les droits civiques, lutte qui avait commencé avec la lutte syndicale au début du XXe siècle. Le refus de leur accorder ces droits civiques quand les soldats sont rentrés chez eux après la guerre allait réactiver cette lutte.
Les années qui précédaient la deuxième guerre mondiale ont vu des milliers de travailleurs, des volontaires venus des quatre coins du monde, risquer leur vie en Espagne dans la lutte contre les fascistes du Général Franco.
La dénaturation du passé dans Captain America dévoile bon nombre d’aspects importants de la politique actuelle de la classe dirigeante. Non seulement le film fausse la nature de la résistance ouvrière au fascisme, mais il embrasse les caractéristiques du fascisme qu’admire la classe dirigeante des E-U.
Le fétichisme capitaliste autour de la technologie se voit aussi bien dans la création de Captain America que dans les armements des Nazis. Steve Rogers est changé en héros grâce à une machine et un sérum spécial. En employant une mystérieuse source d’énergie, le méchant crée une arme qui dissout instantanément son cible.
L’obsession technologique que nous voyons dans la société capitaliste est le reflet d’une réalité politique : Surpassés énormément en nombre par la classe ouvrière, les capitalistes promeuvent constamment la technologie en tant que moyen de maintenir leur domination de classe, tout en repoussant continuellement les travailleurs sur les marges de la société. Des inventions comme la bombe nucléaire devaient rendre insignifiant le rôle des travailleurs, que les capitalistes considèrent comme peu sûrs, dans les guerres impérialistes. Leur technologie cependant ne vaut pas une classe ouvrière unie, une leçon que le patronat des E-U a bien appris lors de la guerre du Viêt-Nam.
L’enthousiasme pour le programme d’eugénisme des Nazis est au centre du film et a pour effet de renforcer le racisme aux E-U. Après avoir réduit la haine des travailleurs à l’encontre du fascisme à un « je n’aime pas les tyrans », le film met en avant une solution « nouvelle » : On prend un homme blanc aux cheveux blonds et aux yeux bleus, on le modifie génétiquement et on le transforme en super soldat pour battre les Nazis. Ils développent un projet de créer une armée entière de ces « surhommes », une « race des seigneurs » pour ainsi dire. On prend le rêve hitlérien et on le transforme en réalité filmique. Le film dévoile le fait que la classe dirigeante des E-U est obsédée, depuis longue date, par le racisme et les théories de supériorité raciale génétique. (Lisez ‘War Against the Weak’ par Edwin Black, 2003, pour davantage d’informations.)
En fin de compte, le film embrasse les pires réalités et les pires mythes du nazisme et veut que le spectateur les embrasse aussi. Il dénature le mouvement de masse des travailleurs contre le fascisme, le mouvement qui a écrasé les Nazis, parce que la classe dirigeante ne veut pas que cette histoire-là se répète. ‘Captain America’ cherche à faire adopter aux travailleurs (avec leurs enfants comme cible) un fascisme semblable au nazisme en le drapant dans les couleurs du drapeau américain, derrière une façade de passe-temps « innocent » de bande dessinée.
Article paru dans Challenge, le 7 septembre 2011
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